La barque à l’amarre


La barque à l’amarre
Dort au mort des mares
Dans l’ombre qui mue
Feuillards et ramures
La fraîcheur murmure
Et rien ne remue
Sauf qu’une main lasse
Un instant déplace
Un instant pas plus
La rame qui glisse
Sur les cailloux lisses
Comme un roman lu.


Une barque s'en va sur l'eau


Une barque s'en va sur l'eau
sur l'eau
Comme fait la feuille du saule
Comme ta joue à mon épaule
Comme la paupière à l'œil clos
Une barque s'en va sur l'eau
sur l'eau
Comme fait la feuille du saule
Elle fend sans heurt et sans bruit
sans bruit
La rivière profonde et noire
Qui tant ressemble la mémoire
Et comme la mémoire fuit
Elle fend sans heurt et sans bruit
sans bruit
La rivière profonde et noire
Un rire léger qui s'éteint
s'éteint
Une chanson des robes claires
Ce n'est pas pour chercher à plaire
Est-ce le soir ou le matin
Un rire léger qui s'éteint
s'éteint
Une chanson des robes claires
La barque vire tourne et vient
et vient
Innocemment vers le rivage
Chercher caresse du feuillage
Où le coeur battant je me tiens
La barque vire tourne et vient
et vient
Innocemment vers le rivage
Par-dessus bord il pend un bras
un bras
Lisse et doré de jeune fille
La barque oscille sur sa quille
Comme d'un lit sortant des draps
Par-dessus bord il pend un bras
un bras
Lisse et doré de jeune fille
Les cheveux de l'autre debout
debout
En approchant touchent les branches
Elle y accroche sa main blanche
La première se penche au bout
Les cheveux de l'autre debout
debout
En approchant touchent les branches
Et la troisième qui me voit
me voit
Que dirais-je de la troisième
Sinon que c'est elle que j'aime
Elle chante et j'entends sa voix
C'est la troisième qui me voit
et voit
Ce que je dis de la troisième


Qu'il pleuve


Qu'il pleuve qu'il pleuve aux signes que font ceux de chez nous sur les collines
Qu'il pleuve une tempête de pluie avec la générosité du fer
Des gouttes larges à noyer l'amertume ancienne
Des gouttes si proches l'une de l'autre qu'on puisse distinguer entre elles ces flèches du ciel
Crible crible ô pluie aux mains torrentielles
Pluie aux doigts de musique
Pluie à la bonne odeur de mousse et de mort
Crible les champs envahis dans ton peigne liquide
Fais couler ton cristal dans les sillons bleus où bouillait
L'esprit parasitaire des liserons
Ah pleus pluie ah pleus à pleins bords dans la coupe des horizons
Champagne de mon beau nuage boisson des jours de fête
Chère pluie à mon visage aussi douce qu'à ma terre
Et ne te gêne pas si je suis sur ton chemin Tu peux me percer
Pluie adorable pluie aussi tendre que l'amour
Que tout un peuple espère les yeux tournés vers le ciel
Et tendant alternativement le dos de sa main et sa paume pour voir
Si déjà vient de commencer la bénédiction des larmes.