Fontaine


La fontaine brisée m'a dit quelle était sa vie
Toujours mouillée toujours pleurant
Et les terrifiantes histoires que raconte l'eau
Quand elle sort de terre
Les poissons monstrueux qu'elle a portés
Et patati et patata
Ce n'est pas une vie rose
Que la vie d'une fontaine brisée.


Dans un petit bateau


Dans un petit bateau
Une petite dame
Un petit matelot
Tient les petites rames
Ils s'en vont voyager
Sur un ruisseau tranquille
Sous un ciel passager
Et dormir dans une île
C'est aujourd'hui Dimanche
Il fait bon s'amuser
Se tenir par la hanche
Échanger des baisers
C'est ça la belle vie
Dimanche au bord de l'eau
Heureux ceux qui envient
Le petit matelot


La grenouille aux souliers percés


La grenouille aux souliers percés
A demandé la charité.
Les arbres lui ont donné
Des feuilles mortes et tombées.
Les champignons lui ont donné
Le duvet de leur grand chapeau.
L'écureuil lui a donné
Quatre poils de son manteau
L'herbe lui a donné
Trois petites graines.
Le ciel lui a donné
Sa plus douce haleine.
Mais la grenouille demande toujours, demande encore
la charité
Car ses souliers sont toujours, sont encore percés.


Le poisson sans-souci


Le poisson sans-souci
Vous dit bonjour vous dit bonsoir
Ah! qu'il est doux qu'il est poli
Le poisson sans-souci.

Il ne craint pas le mois d'avril
Et c'est tant pis pour le pêcheur
Adieu l'appât adieu le fil
Et le poisson cuit dans le beurre.

Quand il prend son apéritif
à Conflans Suresnes. ou Charenton
Les remorqueurs brûlant le charbon de Cardiff
Ne dérangeraient pas ce buveur de bon ton.

Car il a voyagé dans des tuyaux de plomb,
Avant de s'endormir sur des pierres d'évier
Où l'eau des robinets chante pour le bercer
Car il a voyagé aussi dans des flacons
Que les courants portaient vers des rives désertes
Avec l'adieu d'un naufragé à ses amis.



Le poisson sans-souci
Qui dit bonjour qui dit bonsoir
Ah! qu'il est doux et poli
Le poisson sans-souci
Le souci sans souci
Le Poissy sans Soissons
Le saucisson sans poids
Le poisson sans-souci.


La rivière aux nénuphars


La rivière aux nénuphars
Sous les ombres douces des grands peupliers
coule entre deux ponts
où les cris des canotiers retentissent plus sonores

La grenouille en robe à traîne
Dont le nom est Pulchérie
y retrouve Népomucène
L'amant goujon qu'elle a choisi

Son coassement d'amour s'épuise
devant l'éperdu silence du poisson
Et l'eau de la rivière les grise
Quand des buveurs versent leurs verres du haut du pont

Le pêcheur à la ligne près du coude
Depuis trente ans n'a pas bougé
On dit qu'il est mort à la tâche et d'oubli
Nul n'est allé le réveiller

Le flotteur rouge de sa ligne
Est un peu décoloré
C'est une vieille carotte que la lune
à minuit comme un veau semble brouter

Les étoiles sont gigantesques
La nuit dans le ciel de la ville
Et les chansons des buveurs
Semblent ne pouvoir franchir les remparts

Cette ville n'est pas rassurante du tout
on dit que de la source
une forme sort parfois au crépuscule
Comme une jeune fille nue d'un miroir

C'est peut-être bien Ophélie
C'est peut-être bien Pulchérie
C'est peut-être Népomucène
Goujon grenouille ou la jolie
Ophucène Népomélie
Pulcherouille ou grenoujon
au bord de la rivière aux nénuphars
qui coule coule entre deux ponts